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La psychanalyse est un apprentissage.

Paul Bonamy

À Saint-Maur-des-Fossés, le 26 décembre 2024

 

Les fêtes de fin d’année, aussi pétillantes et pleines de surprises qu’elles peuvent être, nous donnent l’occasion bien connue de côtoyer à nouveau, dans une bonne humeur de circonstance, les bizarreries propres à toute famille constituée autour de non-dits immémoriaux et de cadavres dans le placard. La famille – à l’instar de n’importe qu’elle autre secte – s’inter-dit la vérité, celle qu’un certain Sigmund Freud a osé révéler : des désirs de meurtre et d’inceste, des enfants-symptômes, des maltraitances ordinaires… Un scutum commun comme ciment imaginaire pour une famille on ne peut plus classique.


Conditionné au silence, le prix à payer pour l’être ainsi aliéné est alors un symptôme psychique, corporel ou organique, que certains aiment souvent revendiquer comme une identité à part : « je suis hyper-sensible, agoraphobe, HPI, victime, c’est comme ça ». Un compromis entre le silence et la poussée libidinale maintenant un statu quo coûteux qui n’élève personne, celui de l’aliénation. Sortir du silence n’est pas chose possible dans un environnement où la parole n’est pas la bienvenue. Mais si l’être aliéné et souffrant désire sortir de ses solutions de pacotille, je lui souhaite de rencontrer un psychanalyste, et de construire courageusement son savoir à travers la méthode de l’association libre propre à cette cure – à condition, bien sûr, que le dit-psychanalyste n’ait pas fait et ne fasse pas l’économie de sa propre psychanalyse ; un aliéné ne saurait en écouter un autre !


Aux lecteurs naïfs de cette magnifique traversée clinique, je propose une situation exempte de tout langage et théorie propre à la clinique, pour illustrer l’intérêt fondamental qu’un être peut trouver lorsqu’il sort du silence imposé. Au dernier réveillon de Noël que j’ai eu la joie de partager avec ma famille, Arthur, un cousin de 8 ans, avec lequel je me sens spécialement proche, déclare à table des maux de ventre. Sa plainte fait suite aux paroles, toujours sèches et agacées, d’un membre de sa famille qui porte sur lui un regard et des propos exaspérés, dans un silence commun de bon-aloi. Après tout, Arthur ne se tient pas assez droit sur sa chaise, parle trop et trop fort et finit toujours par tirer la tête « sans raison ». J’invite l’enfant à parler dans sa chambre, à l’écart. Il se plaint de son ventre, fait mine qu’il n’y a rien d’autre à dire. « Pourtant, je te sens contrarié. » lui dis-je, en proposant ce signifiant comme une perche alors qu’il s’agite pour ne pas sombrer. Il s’en saisit pour dire toute sa colère, en une phrase dont la simplicité met à nu la douleur qu’il peine à ravaler : « J’en ai marre de me faire crier dessus pour rien ! » La parole est belle et bouleversante lorsqu’elle vise juste.


Certains auraient pu entendre un caprice d’enfant sans conséquence, sans gravité, jugeant qu’à cet âge, la parole ne compte pas vraiment. Ceux-là ont vécu le silence des autres, trop absents à eux-mêmes pour entendre, voire écouter. J’ai appuyé ses dires, ses maux de ventre sont passés : Arthur n’avait plus besoin de passer par son corps pour exprimer la colère qui le tenaillait.


Nous apprenons à dire avec l’Autre-barré, nous apprenons à nous taire en famille. C’est comme ça, c’est humain. S’il m’arrive de ne pas toujours cerner la raison pour laquelle parler soulage un être dont la parole reste en souffrance, je compte garder ce souvenir comme une illustration claire que dans la rencontre avec un psychanalyste, nous apprenons à dire sans les apparats propres au Moi qu’enfant nous avons dû entretenir. La psychanalyse est un apprentissage, un rendez-vous avec soi-même, durant lequel, en la présence d’un autre, nous nous donnons le droit d’exister.

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